"La joie est pareille à un fleuve : rien
n'arrête son cours." [Henry Miller]
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Le 4 août 2011
Le Danube… avant chaque départ j’imagine le périple. Je le voyais déjà tout bleu, coulant doucement en décrivant de larges méandres comme le fait sa petite sœur la Loire. En fait, plutôt que bleu, il est vert – marron, suivant les jours et la lumière. Tranquille au début, mais surtout tout petit !Les premières étapes étaient
ponctuées de multiples traversées danubiennes sur des ponts parfois étranges, pittoresques
et certains quelconques. Jean-Pierre tenant à faire des photos sur chaque pont
le premier jour a finalement fini par s’en lasser. Heureusement, sans quoi nous
ne serions pas arrivés !
Découverte des paysages allemands,
de ce long fleuve si attendu, de la rigueur allemande qui n’est pas qu’un
cliché mais aussi de la sympathie et de l’accueil de la population. Finalement,
ils sont humains ces allemands et beaucoup plus sympas que les français !
Découverte aussi qu’une faiblesse physique peut-être
extrêmement frustrante… et à vélo, lorsque le moral ne suit plus, plus rien ne
va. Alors, les chansons et les rires
avec les compagnons de voyage sont les meilleurs remèdes pour oublier la
douleur lancinante et continuer de cheminer.
La pluie succède au soleil, et le soleil à la pluie. Un jour entier de mauvais temps nous a fait considérer chaque rayon de soleil comme une bénédiction et un ciel couvert comme du beau temps. A en juger par le bronzage de chacun, le ciel couvert est aussi efficace que le beau temps !
Les villes allemandes se
succèdent à mesure que le fleuve grandi. Des campings plus improbables les uns
que les autres, et toujours meilleurs (n’est-ce pas François ?) deviennent
nôtres le temps d’une nuit. Etonnante est l’appropriation des lieux que nous,
humains, sommes capables de faire. Le camping, camping quelconque parmi tant de
campings le soir de notre arrivée, devient un petit bout de chez nous au matin
du départ.
La cohésion du groupe et la découverte de chacun suivent la croissance du fleuve. 24h/24 ensemble, à partager le même grand marabout, à cuisiner, à s’affairer aux petites taches quotidiennes, … on ne peut pas tricher longtemps, on est forcé d’être soi et c’est très bien ainsi.
Mauthausen.
Nous sommes depuis peu en
Autriche. Seule la densité de panneaux solaires sur les toits change de
l’Allemagne. Au sommet d’une haute colline, nous allons à la rencontre de ce
qui fut l’horreur. Le camp nous attend, austère mémorial de la déportation.
Quelques baraquements subsistent, des expositions, des photographies et des
témoignages ont pris la place des déportés. Les corps décharnés ne sont plus
là, l’odeur pestilentielle a disparu, les SS, leurs mitraillettes et leurs
chiens se sont tus, pourtant le souvenir reste. Le souvenir d’une époque que
nous n’avons connue que par procuration. Et pourtant ça fait mal… Les yeux sont
embués, les entrailles retournées, un cri de déchirement monte à la gorge.
POURQUOI ? Pourquoi tant de haine ? Pourquoi tant de mépris de l’Homme ?
Peut-on rester homme après avoir commis l’inhumain ? Et Dieu, où est-il
dans tout ça ? Où était-il dans ses massacres ? Où est-il dans les
massacres qui ont encore lieu sur d’autres continents ? Si loin, et
pourtant si près…
Pardonner, mais ne pas oublier… la frontière est mince entre peur, intolérance et génocide. Il est tellement plus facile de rejeter la faute sur l’autre, sur l’étranger, sur celui qui n’est pas comme nous. Tellement plus facile plutôt que de se remettre en question… Et si le désordre économique de notre pays était dû à nos modes d’achats plutôt qu’aux quelques étrangers qui viennent trouver refuge sur notre territoire pour échapper à une mort certaine ? Et si la violence dans les cités était due à un cloisonnement des populations dans des lieux où aucun épanouissement n’est possible plutôt qu’à une culture différente de la nôtre ? Tant de « et si ? » pourraient être cités… L’horreur des camps doit nous apprendre à nous comporter en Homme …
Le chant sobre des moines résonne
dans l’église baroque. Tout y est peintures, sculptures et décors à foison.
Quel contraste avec les abbayes
cisterciennes toutes simples dans leur humilité.
Melk est notre dernière grande
halte avant l’arrivée tant attendue. Wien et ses grands bâtiments classiques
nous attendent. Wien et sa floraison de concerts de belle musique, concerts
auxquels j’ai souhaité aller. No problem pour trouver des billets avec des
places plutôt bien placées, nécessitant tout de même de faire confiance à une
dame qu’on ne côtoie que depuis 5 minutes.
Par
contre, léger (mais
vraiment minimitésimal) problème concernant la tenue
décente à porter le soir…
Farfouillage intensif dans mes sacoches de vélo : jogging
troué, marcel,
tongs, … pas de jolie robe, flute alors ! Solution de
replis : polo
blanc (plutôt chouette je trouve), short délavé
à force d’être lavé à la main
et baskets d’un blanc difficile à deviner sous les traces
de cambouis et de
boue accumulées. Le tout porté sur un corps
magnifiquement bronzé avec de
jolies marques d'un strapping que j'ai porté au genou et de
gants de cycliste.
Bref, une jambe zébrée, l'autre non, bras noirs et mains
blanches, visage
basané, cheveux blonds en bataille et vêtements indignent
de ce nom ! Bon,
je l’admets, j’exagère
légèrement ! Mais à coté des jolies
japonaises en
robe de soirée, j’avais l’air… de
quelqu’un qui vient de faire 950 kms de
vélo ! Ecouter jouer du Mozart en short au balcon
d’une grande et belle
salle baroque, quel bonheur ! Avec des musiciens qui ne se
prenaient pas
trop au sérieux : la classe !
Et puis vint le retour. Ce moment
toujours redouté. Celui où on sait qu’on va devoir se dire au revoir et à-je-ne-sais-pas-quand.
Une douzaine d’heures de route nous donne un peu de répit. Avec une pause
crêpes inattendue chez ma sœur, pour ma plus grande joie.
Merci Christiane, merci Gérard,
merci Claire, merci Manuela, merci Michel, merci François et merci Jean-Pierre.
Merci aussi aux cinq intrépides
qui ont fait tant de route pour nous rejoindre sur notre parcours.
Emilie